Bien que l’ex-président français ait été acquitté pour les chefs d’inculpation de corruption passive, de détournement de fonds publics libyens et de financement illicite de campagne électorale, il sera condamné le 25 septembre à cinq ans de prison par le tribunal judiciaire de Paris pour association de malfaiteurs dans l’affaire des financements libyens pour sa campagne présidentielle de 2007.  

Comme il est difficile voire impossible parfois de prouver qu’un politicien a bien reçu des financements illégaux (comme à Maurice ?), l’infraction d’association de malfaiteurs permet de sanctionner la préparation à commettre un acte illégal, en l’occurrence celui de recevoir de l’argent d’une puissance étrangère.

Mais ce qui retient l’attention dans cette affaire et que semble oublier beaucoup, c’est le sort réservé à Mouammar Kadhafi. Pour comprendre, remontons à 2013.

Bain froid

Un des premiers éléments importants dans l’enquête sur cette affaire est la découverte en 2013 d’un carnet appartenant à Choukri Ghanem, ancien ministre libyen du pétrole. Le corps de celui-ci venait d’être découvert le 29 avril 2012 dans le Danube, en Autriche. Un ministre libyen prenant un bain dans l’eau froide d’avril en Europe ?

Bien que le parquet autrichien ait conclu à une noyade après une crise cardiaque, pour un journaliste, Choukri Ghanem était mort chez lui d’une crise cardiaque, pas dans l’eau. De plus, des échanges entre la secrétaire d’Etat américaine de l’époque Hillary Clinton et ses conseillers évoquaient une mort suspecte. Le plus important, cette mort est survenue le lendemain même d’un article de Mediapart qui annonçait que Mouammar Kadhafi avait décidé de débloquer 50 m d’euros (Rs 2.5 milliards) pour la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy.

Quoiqu’il en soit, dans le carnet découvert, Choukri Ghanem avait détaillé, à la date du 29 avril 2007, trois versements totalisant 6,5 m d’euros destinés à la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. Dont « 3 m avaient été remis par l’un des fils de Khadafi et 2 m par Abdallah Senoussi, le chef des services secrets intérieurs libyens. »

Printemps mortel

Lorsque le Printemps arabe gagne la Libye en mars 2011 et devant la menace de Khadafi, disait-on, d’écraser la rébellion, Nicolas Sarkozy qui est déjà président français, change d’attitude envers Khadafi. Et veut maintenant protéger les insurgés. Seul son bon ami, le Premier ministre britannique David Cameron, le soutient. La majorité des pays européens refuse de le suivre.

Cependant, l’appui viendra de l’Arabie saoudite dont le roi Abdallah ben Abdelaziz Al Saoud qui se souvient soudain que Khadafi aurait été complice dans un projet de l’assassiner en … 2003. L’émir du Qatar lui rappelle aussi une vieille histoire : Khadafi avait traité le roi Abdallah de marionnette des Britanniques et des Américains, ce devant tous les chefs arabes. C’est ainsi que la Ligue Arabe demande et obtient l’instauration d’un « no-Fly Zone » au-dessus de la Libye. En fait, cela sert à « empêcher le gouvernement de Kadhafi de bombarder les zones tenues par les insurgés. »

Les Américains rejoignent cette coalition et bientôt l’armée du colonel Khadafi est mis en échec. Mouammar Kadhafi est capturé et torturé par le Conseil national de transition (CNT) libyen et assassiné froidement « et inutilement » disent certains, le 20 octobre 2011.

Certains soupçonnent que Khadafi a été sommairement exécuté par « un agent des services secrets français, sur ordre du président Nicolas Sarkozy, celui-ci craignant des révélations sur le financement de sa campagne électorale en 2007. »

Le 24 octobre 2011, le président du Conseil national de transition, Moustapha Abdel Jalil, reconnaitra « qu’il y a eu un ordre de tuer le colonel, ordre qui aurait été envoyé par un pays étranger… » Le 15 décembre 2011, le procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno Ocampo, estimera « que la mort de Kadhafi pourrait constituer un crime de guerre. »

La condamnation de Sarkozy à cinq ans de prison justement en raison de ses liens avec feu Mouammar Kadhafi semble constituer la revanche de l’ex-guide libyen. D’outre-tombe.

 

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