Le festival des terres et de l’argent de la MIC sous le MSM

04 Juin 2025

Par

Narain Jasodanand

Comment un ‘faux’ investisseur a-t-il pu obtenir un vrai terrain de l’Etat sur les Pas Géométriques, y lancer un faux projet et revendre le terrain au prix commercial à la MIC ? Il suffisait de connaitre l’ami Renganaden

Cette chance- et d’autres encore – a souri à l’Egyptien Ayoub Adly Ayoub et son épouse l’Italienne Fiore Tiziana de la société Stella Di Mare. Ils ont obtenu un terrain de 25,25 arpents de Pas Géométriques aux Salines Koenig à Rivière Noire le 11 juin 2021 pour 60 ans contre paiement d’un loyer de Rs 16 m annuellement. Loyers qu’ils n’avaient d’ailleurs pas payés à novembre 2024 ! C’est Georg Adly Ayoub Ghattas qui a été autorisé par son frère Ayoub Adly Ayoub à signer le bail et à représenter ce dernier dans toutes les démarches auprès de la SBM et de la MIC pour un projet d’hôtel.

FDI dites-vous ?

Ayoub Adly Ayoub et Fiore Tiziana n’étaient pas vraiment des investisseurs puisqu’ils n’ont pratiquement rien apporté et encore moins en devises à Maurice. Donc, point de Foreign Direct Investment (FDI) dans cette transaction.

Après l’obtention du terrain de l’Etat aux Salines Koenig, Stella di Mare verra la State Bank (SBM) approuver Rs 1,2 milliard de crédit pour son projet hôtelier. Les financements étaient donc bien locaux et provenaient de surcroit d’une institution publique ! Et les déboursements allaient être faits au fur et à mesure de l’avancement des travaux.

Or, des pressions auraient été exercées par le ministre des finances d’alors Renganaden Padayachy pour qu’une somme de Rs 180 m soit déboursée avant même que le moindre coup de pioche ne soit donné sur le terrain. L’argent aurait été crédité en majeure partie au compte du constructeur choisi par Stella. Personne ni le Quantity Surveyor attitré de lakwizinn ni même l’ingénieur de la SBM ne se sont enquis de l’avancement des travaux. En passant près des lieux plusieurs mois après, un manager découvrira que le terrain était toujours en friche.

Investisseur fauché

La SBM commence alors à exercer des pressions sur Stella Di Mare pour lui demander où en sont les travaux et où est le capital de Rs 60 m que Stella Di Mare devrait apporter après le déboursement des Rs 180 m, comme stipulé dans les conditions préalables. « Ça vient » a répondu Ayoub Adly, « mon frère devait me les envoyer de l’Egypte, mais les problèmes financières et économiques de ce pays l’a fait perdre beaucoup d’argent etc. etc. »

En tout cas, on apprenait le 19 octobre 2024 sur le site billionnaires.africa que la compagnie Remco appartenant à Ayoub Adly Ayoub, le promoteur du projet Stella Di Mare, a subi des pertes de $ 18 m, soit près d’un milliard de roupies, pour l’année 2024 ! Et la MIC et la SBM qui attendaient que Ayoub Adly Ayoub apporte des capitaux de l’Egypte ! On est en droit de se demander si la MIC est au courant de cette information et si elle avait même fait une due diligence.

Que fait Stella Di Mare face aux demandes pressantes de la SBM ? Elle se tourne en septembre 2024 vers la MIC à qui elle fait une proposition pour que celle-ci rachète le projet d’hôtel, soit le terrain vague plus les permis, pour Rs 595 m ! La MIC rejette cette offre en arguant que le rachat d’un projet sur papier ne correspond pas à sa politique d’investissement. Un mois après, soit début octobre 2024, la MIC reçoit de Stella une deuxième proposition : une demande ‘for debt financing’ pour un montant de Rs 425 m. Un genre de financement qui ne correspond encore moins au mandat de la MIC. A noter que tout cela se passe presque à la veille des dernières élections.

Il faut dire que cette société est criblée de dettes, cela avant même que son projet ne sorte de terre ! Elle devait bien sûr Rs 180 m à la SBM. Elle devait aussi, entre autres, Rs 34 m au ministère des terres, représentant 2 ans de loyer de bail impayé. Le BLUP aussi est devenu caduque. Mais la MIC ne s’en préoccupe pas, car les consignes venant d’en haut sont claires : il faut décaisser avant les élections.

Terrain de l’Etat contre … argent de l’Etat

Cette curieuse demande de ‘debt financing’ est examinée par l’Investment Committee de la MIC le 4 octobre 2024, le jour même de l’annonce de la dissolution de l’Assemblée Nationale. La demande est fortement recommandée par le CEO de la MIC Jitendra Bissessur qui se permet de qualifier l’autre hôtel d’Ayoub Adly Stella Sea Resorts de ‘beautiful’ et celui de Chamarel de ‘unique.’ On y sent déjà le parti pris de l’ex-CEO de la MIC. L’Investment Committee recommande mais sous certaines conditions : que les ‘sister companies’ de Stella Di Mare, soit les 3 Sea Resorts Hotels de Pointe aux Canonniers, de Calodyne et de Palmar plus un hôtel dans les montagnes de Chamarel et un ‘business-leisure hotel’ à Pereybere, soient offerts comme garanties ; que les permis obtenus pour le projet soient transférés à la MIC ; que soient imposées des charges flottantes sur ses biens meubles – on ne sait si Stella en a – et qu’une charge fixe soit prise sur le terrain à bail de l’Etat !

Au cas où la MIC a déboursé les Rs 425 m sans satisfaire les exigences imposées par l’Investment Committee, elle ne se retrouverait qu’avec le terrain de l’Etat à Les Salines Koenig comme sécurité. Que fera la MIC avec ce terrain vague ? Elle peut y développer le projet mais elle aurait déboursé Rs 425 pour rien car elle aurait bien pu obtenir le terrain ou un autre de l’Etat sans bourse déliée. D’autre part, si MIC transfère le terrain à un autre promoteur, ce dernier acceptera-t-il de payer Rs 425 m rien que pour le terrain ? Peut-être, mais l’éventuel promoteur aurait bien pu rechercher et obtenir un autre terrain de l’Etat sans payer cette grosse somme. Bref, Stella Di Mare a juste remis en vente au prix commercial un terrain obtenu presque gratuitement de l’Etat !

Autre interrogation : pourquoi le terrain n’a-t-il pas été repris par le gouvernement MSM après le retard dans la construction ? On nous parle de l’influence néfaste qu’exerçait Padayachy non seulement sur les banques d’Etat et sur la MIC mais aussi sur les hauts-fonctionnaires du ministère des terres et contre lesquels l’ex-ministre Steve Obeegadoo ne pouvait rien faire. Aussi, nous apprenons que la MIC a pris sur elle pour faire transférer la garantie (‘pledge’) sur le terrain de l’Etat de Stella à la MIC sans en informer le ministère des terres. C’est un haut-fonctionnaire des terres qui était à la manœuvre et qui aurait aussi affirmé que Stella avait déjà commencé la construction du projet alors que ce n’était pas le cas. Sollicité, Renganaden Padayachy nous dit ne vouloir faire aucune déclaration pour le moment.

Après le remboursement par Stella à la SBM de Rs 180 m, il lui restait Rs 245 m en main. A part quelques petites dettes à régler, Stella devait encore Rs 240 m au constructeur qui n’avait toujours pas débuté les travaux. Qu’a fait Stella des Rs 245 m de la MIC ?

A ce jour, le projet de Stella di Mare aux Salines Koenig n’a toujours pas encore commencé. On ne sait pas quand il le sera pour de vrai, ni s’il ne le sera jamais. Sollicitée, la nouvelle CEO de la MIC Mme Kreeti Devi Jugassing-Harrah n’est pas revenue vers nous.

Quant à Georg Adly Ayoub Ghattas, il nous a dit n’être pas au courant des transactions de Stella Di Mare précisant que son rôle se limitait à représenter son frère Ayoub Adly Ayoub auprès de la SBM et la MIC.