Rajiv Servansingh arrêté et inculpé pour avoir permis à des ministres MSM d’obtenir des pots-de-vin. Mais ces derniers demeurent libres
Il faut reconnaitre que Rajiv Servansigh a fait preuve de courage pour venir s’expliquer le 4/7 sur Radio Plus concernant l’affaire du contrat passé en 2023 par la STC avec Mercantile and Maritim Group (MMG). Il avait, de plus, à affronter Ehsan Juman, celui qui en a le premier lancé l’alerte.
Cependant, Servansingh disposait d’une carte maitresse en main : il savait que l’abandon de l’appel d’offres et l’achat direct de MMG n’étaient pas illégal et cela grâce à l’amendement fait en 2009 aux Public Procurement Regulations 2006. Pour rappel, cet amendement exempte la STC de l’obligation d’avoir recours à un appel d’offres pour l’achat et le transport de produits pétroliers. Il avait été décidé par les travaillistes pour favoriser Betamax (voir Scoop du 23/6). Aussitôt que Servansingh en a parlé, Ehsan Juman a changé de sujet. L’ex-directeur de la STC a averti qu’il s’en servira s’il est traduit en justice.
Il faut savoir que cet amendement de 2009 n’a jamais été utilisé après Betamax sauf … en 2023 pour MMG. Si pour Betamax les travaillistes n’avaient pas lancé d’appel d’offres mais a accordé le contrat directement à Betamax, pour MMG ce fut plus grave. Un appel d’offres a été lancé puis annulé et le contrat alloué à MMG.
Comme l’a souligné Ehsan Juman, cette façon de faire aura permis à MMG ou à ses ‘défenseurs au gouvernement MSM’ de prendre connaissance de l’offre la plus basse (d’OQ Trading Ltd) pour ensuite en proposer une encore plus basse. Le MSM aura donc utilisé l’amendement 2009 d’une façon plus extensible. Cet amendement est très dangereux car concernant des achats par milliards. Sera-t-il abrogé ? On se rappelle comment le MMM l’avait critiqué en 2009…
Pots-de-vin contre barils de pétrole
La question qui se pose : cet amendement permet-il de lancer un appel d’offres puis de l’annuler ? A priori oui. Toutefois, même s’il n’est pas illégal en soi de lancer un appel d’offres, puis de l’annuler pour ensuite allouer le contrat à une société qui n’a pas participé à l’appel d’offres – ce qui est quand même extraordinaire -, la FCC peut quand même poursuivre les protagonistes si ces derniers ont reçu des cadeaux comme des montres Rolex, du whisky et des sommes d’argent en retour de l’allocation du contrat à MMG.
Et c’est ce que la FCC a fait en inculpant provisoirement Rajiv Servansingh sous l’article 7(1) de la Prevention of Corruption Act (PoCA) (en vigueur en 2023 et équivalant à l’article 22 de la nouvelle FCC Act) de“Public Official Using his Office for gratification for another person”. A noter que sous ce chef d’accusation, Servansingh n’est pas présumé avoir reçu de pot-de-vin mais d’avoir permis à quelqu’un d’autre de l’avoir reçu.
Mais qui est cette ’another person’ qui a reçu les pots-de-vin ? Même si Sevansingh le sait, il ne le dira sans doute pas sinon il sera poursuivi formellement sous la POCA sauf s’il prouve qu’il n’était pas au courant de ces cadeaux. La FCC, elle, doit sûrement connaitre l’identité du ou des corrompus avec l’histoire de montres, de whisky et d’argent liquide transportés mais aussi et surtout puisqu’elle a déjà inculpé Servansingh d’avoir permis à une autre personne de bénéficier de pot-de-vin.
Alors, pourquoi cette ‘another person’ n’a-t-elle pas encore été inculpée et arrêtée ? Est-ce une tactique, légale ou politique, pour retarder cette arrestation ? Ou n’y aura-t-il pas d’autres arrestations pour que l’affaire Betamax ne revienne pas au bon souvenir des Mauriciens ?
Le silence du ministre Michael Sik Yuen sur cette affaire en dit long. En voulant cacher l’amendement travailliste, il cache aussi les détails du deal MMG qui pourraient éventuellement se révéler n’avoir pas été réellement à l’avantage de la STC et surtout du pays, donnant ainsi raison à Servansingh qui jure le contraire. Mais attendons voir.