DANS son affidavit juré le 23 octobre, Maminiaina ‘Mamy’ Ravatomanga demande la révocation de l’ordre obtenu par la FCC le 15 octobre de geler ses comptes bancaires, l’arrêt de l’enquête et la levée de l’interdiction de quitter le territoire.

Ravatomanga s’appuie principalement sur le fait qu’une enquête initiée le 10 février 2015 par le Parquet National Financier français (PNF), une sorte d’équivalent de notre FCC, « sur les mêmes faits » avait été classée sans suite le 25 juillet 2023.

L’intérêt du PNF pour Ravatomanga était motivé par les délits qui auraient pu être commis sur le territoire français par Mamy, en relation avec l’acquisition de biens immobiliers à Paris, financée par l’argent soupçonné provenir de fraude fiscale, blanchiment d’argent, trafic de bois de rose et corruption, ces derniers actes ayant été commis à Madagascar. Tâche plutôt difficile pour les enquêteurs français qui avaient besoin de l’aide des autorités malgaches qui étaient à l’époque, faut-il le souligner, plutôt complaisantes envers Mamy.

Bianco pas très blanc ?

D’ailleurs, Ravatomanga sera interrogé, dit l’affidavit, en décembre 2017 non par les Français mais par le Bureau Indépendant Anticorruption (BIANCO) malgache, même si c’était en présence d’agents français de l’Office Centrale pour la Répression de la Grande Délinquance Financière (OCRGDF).

Aucune mention dans l’affidavit de Mamy des dossiers Boeing 777 vendus à l’Iran ni de GEL (Groupement d’Exportateurs de Litchis) et dont parle pourtant le nouveau gouvernement malgache, le Conseil National de Défense de la Transition (CNDT) dans sa lettre à la FCC. Pourquoi ? Pour Ravatomanga, c’est le dépôt de plainte à la FCC qui a déclenché l’enquête de la FCC. Pas la lettre du CNDT qui est en date du 15 octobre. L’ordre de gel est tombé le même jour.

Il a raison car, dans son communiqué du 17 octobre, la FCC affirme que la demande de gel des comptes bancaires de Ravatomanga – pas l’enquête- a été décidée à la suite de « renseignements crédibles indiquant que M. Ravatomanga avait transféré une forte somme d’argent à Maurice, avec l’intention de déplacer ces mêmes fonds vers une autre juridiction … »

A cela, Ravatomanga affirme sous serment qu’il n’a effectué aucun transfert de forte somme d’argent ni avant ni après son arrivée à Maurice le 12 octobre, bien qu’il ait tenté de faire de ‘petits’ transferts de $ 2.5 m vers Dubaï et $ 4 m vers un autre compte à Maurice même. Pas $ 140 m.

Ravatomanga demande donc la révocation de l’ordre de gel mais aussi de l’enquête de la FCC et de l’interdiction de quitter le territoire en se basant premièrement sur cette « fausse allégation » de transfert d’une forte somme et deuxièmement sur la plainte déposée à la FCC par un ou une ou plusieurs Malgaches, plainte qui selon Mamy, ne tient aucun compte du classement sans suite par le PNF des précédentes enquêtes, entre autres raisons. 

La plainte à la FCC excluait-elle les affaires Boeing et GEL ? On ne le sait, bien que Ravatomanga, lui, affirme connaitre le contenu de la plainte. A noter qu’il n’a pas encore été interrogé formellement par la FCC et n’a donc pas encore été confronté aux accusations contenues dans la plainte.

Une grosse somme ou un gros transfert ?

Cependant, si la FCC parle de transfert d’une grosse somme, elle ne précise pas quand. Cela pourrait se référer aux transferts effectués périodiquement depuis plusieurs années, même si elle parle d’UNE somme, ce qui peut vouloir dire un seul transfert. Cette ambiguïté pourrait jouer en faveur de la FCC.

Quoiqu’il en soit, l’homme d’affaires malgache oppose la légalité des transferts d’avant sa fuite en arguant que les banques mauriciennes (MCB, SBM, Afrasia et Bank One) ont accepté durant 30 ans ces sommes après avoir effectué les contrôles KYC (Know Your Customer). Tout en mettant en garde contre le risque de faire du tort à la réputation de Maurice comme centre financer et provoquer la fuite de capitaux avec de telles accusations visant l’intégrité de nos banques. Une telle sollicitude pour notre centre financier mérite un remerciement !

Si ces transferts d’argent vers Maurice représentaient les recettes d’exportations disons de litchis malgaches- dont Mamy a étrangement omis de parler dans son affidavit-, ils pourraient être considérés comme licites – même si ce n’est pas trop moral – car notre secteur offshore est fait pour cela et que le gouvernement malgache le sait très bien. D’ailleurs Madagascar a signé un accord de non-double imposition avec notre pays.

En revanche, s’il s’agit d’importations de voitures ou d’immobilier dont Mamy est un champion à Mada, il pouvait difficilement transférer les revenus de Mada à Maurice car il aurait eu à convertir ses recettes d’ariary (monnaie malgache) en dollars ou euros. S’il a pu le faire, soit il a obtenu l’aval de la banque centrale malgache soit il a effectué le transfert illégalement, en violant le contrôle des changes et en fraudant le fisc malgache. L’argent qui se retrouverait à Maurice pourrait donc être de l’argent sale. (Les deux compagnies mauriciennes citées portent des noms qui font penser au commerce de voitures et de l’immobilier : Auto Diffusion Ltée et First Class Immobilier Ltd.)

Merci Andry, pour l’attestation

Bien que Ravatomango affirme, attestations à l’appui, qu’il est en règle avec le fisc malgache, il ne faut pas oublier que ces attestations ont été obtenues lorsque Madagascar était dirigé par son ami Andry Rajoelina.

L’homme d’affaires malgache pointe aussi à une erreur dans le Criminal Attachment Order dans lequel la FCC a écrit ‘Soldiat Group’ au lieu de ‘Sodiat Group.’  Erreur de frappe ? Ravatomanga demande la révocation de l’ordre pour cette raison additionnelle.

On note d’autre part une curieuse erreur dans l’affidavit de Ravatomanga. Au lieu d’écrire ‘Conseil National de la Défense de la Transition’, y est écrit ‘Comité pour la Normalisation et la Démocratie à Madagascar (CNDT).’

Charge provisoire opportune

On veut bien croire que ces erreurs ne sont pas volontaires sinon cela donnerait raison à ceux qui disent que tout cela est un cinéma et que tout est fait pour ouvrir une porte de sortie à Ravatomanga. « Après son éventuelle arrestation, » nous dit un avocat « Maminiaina Ravatomanga fera sans doute l’objet d’une charge provisoire. Maurice pourrait alors refuser de l’extrader en avançant qu’il devra rester à la disposition de la FCC car faisant l’objet d’une charge provisoire. Cela permettra aussi d’empêcher Mamy d’aller à Dubaï avec ses milliards. » L’avocat nous rappelle l’étrange épisode de l’arrestation de Nasser Bheeky et la démission de Junaid Fakim du board de la FCC…

Conclusion : La FCC (et la justice mauricienne) pourrait rejeter les défenses de Ravatomanga à l’effet que le PNF a déjà classé sans suite les enquêtes contre lui et que ce dernier détient une attestation du fisc malgache si elle argue que ces défenses ont été rendues possibles grâce à la complaisance du gouvernement d’Andry Rajoelina. Cependant, elle devra solliciter l’aide des nouvelles autorités de la Grande Ile qui devront alors refaire toutes ces enquêtes. On se demande si elles ne les ont pas déjà faites et en ont livré les conclusions ou du moins de sérieuses présomptions contre Ravatomanga par l’entremise de l’ancienne magistrate Fanirisoa Ernaivo. Du reste, Mamy sera arrêté par la FCC le lendemain du dépôt de son affidavit…

 

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