Ramgoolam revient avec le projet d’autoroute M4 au coût de Rs 10 milliards

‘The devil is in the detail’ dit l’Anglais. Lors de son discours sur le budget, Navin Ramgoolam s’est bien gardé de fournir un détail important quand il a annoncé la construction de la nouvelle autoroute qui reliera Forbach à Bel Air. Il n’en a pas donné le coût, que nous avons pu découvrir dans les annexes du budget : Rs 10,3 milliards pour environ 30 km, soit Rs 343 m le kilomètre ! Et c’est sans compter la 3eme phase reliant Bel Air à Grand Bel Air qui n’est pas envisagée pour le moment, avait assuré Ajay Gunness au parlement, en réponse écrite, pas orale, à une PQ de Chetan Baboolall.
La question dès lors : puisque la principale justification pour cette autoroute était de relier le nord à l’aéroport, à quoi servirait les 1ere et 2eme phases ? Un haut-cadre du ministère des infrastructures nous explique que c’est parce « qu’il n’y a aucune autoroute de nord vers le sud en passant par l’est. » A savoir que le Sud-Est est, avec le sud-ouest montagneux, la seule partie à ne pas être quadrillée par des autoroutes. « Peut-être que le ministre a remarqué qu’il y a un vide qu’il fallait combler … » nous dit un ingénieur sur le ton de la plaisanterie.
Et les dettes publiques ?
Même si ce projet pharaonique de Rs 10,3 milliards sera financé par nos fonds propres, il faudra emprunter de l’argent localement ou de l’étranger pour combler le trou budgétaire. Et quand on pense que le pays a des dettes de Rs 642 milliards, qui représente 90% de notre PIB et que rien que le paiement des intérêts, excluant le remboursement du capital, se monte à Rs 21,8 milliard, on se demande si cette aventure d’autoroute est vraiment essentielle.
30 km d’autoroute pour une largeur d’environ 7 mètres, cela fait beaucoup en kilomètres carrés d’artificialisation du sol. Selon une étude de Hammond et al, à laquelle avait participé le professeur en Ecologie de l’Université de Maurice Vincent Florens, notre pays figurait dès avant 2015 parmi les pays avec des surfaces dures les plus élevées, plus de 9% comparé à la moyenne mondiale qui est entre 0.25 % et 0.5%.  Aujourd’hui, ce pourcentage doit être beaucoup plus élevé.
Environnement, inondations, perte d’eau
Et l’on se plaindra après d’inondations… L’autoroute et ses drains sont eux-mêmes des torrents qui non seulement provoquent des inondations là où ils passent mais contribuent à empêcher l’eau de pluie de s’infiltrer dans nos nappes phréatiques, qui, rappelons-le, nous fournissent 50% de notre eau. Et l’on attend toujours les bassins de rétention (et la restauration de nos zones humides), qui ne paraissent nulle part dans le budget.
De plus il est connu aussi que la construction d’autoroute est toujours suivie d’une urbanisation qui remplacera les verdures, exploitations agricoles, forêts et terres en friche qui servent à absorber l’eau de pluie. A s’attendre donc encore plus d’inondations déjà catastrophiques dans ces régions.
The Congestion Con
« Plus on construit de routes, plus il y aura de véhicules » martelait Sébastien Sauvage d’Eco-Sud le 2 juin. Et ce n’est pas l’actuel ministre du Transport, Osman Mahomed, qui nous dira le contraire. Car c’est lui qui en avait parlé le premier, et cela dès le 13 juin 2022 lors de son discours sur le budget. Il réagissait justement aux milliards de roupies consacrées par Renganaden Padayachy aux constructions d’autoroute en général et à celle de … M 4 en particulier. Oui, le projet était proposé en 2022 par le MSM qui reprenait celui du PTr de 2012 qui, à son tour, retentait la proposition lancée en 2005 par le gouvernement MSM/MMM.
Que disait Osman Mahomed, qui est aussi ingénieur civil ? « A fundamental question is: will expanding highways and building more roads actually make traffic better or worse? [ …]  at a time when the Government is investing massively in the Metro Express Project, there is nothing in the Budget that encourages people to leave their cars at home and to travel by the metro which has lost more than Rs500 m. from what I understand. Second factor to consider in terms of road repairs cost, pollution and congestion. Thirdly, I here highlight the theory of induced demand. Building more roads and adding more lanes give the appearance of speeding up traffic. But by encouraging sprawl, it spreads out stores, houses and jobs, providing more reasons to drive more, thus, expanding many people’s commutes. It also adds more capacity which is almost immediately filled up with more cars.  Research by Kent Hymel of California State University of Northridge found that adding one per cent more road capacity produces the exact same increase in the amount of vehicle miles travelled. There is only another report from Transportation for America titled ‘The Congestion Con’. It is all a lie, attesting to that. I would strongly recommend the Minister of Public Infrastructure to read it. » Rien à ajouter, tout a été dit par l’actuel ministre du Transport !
A noter que Bobby Hurreeram, ministre des Infrastructures Publiques de l’époque, avait défendu ce projet et attaqué Osman Mahomed par un argument choc mais digne de lui : « les habitants des circonscriptions No. 5 à 12 avaient bien droit, eux aussi, à leur autoroute. » Toutes les excuses sont bonnes, soupire notre interlocuteur-ingénieur du gouvernement « pour allouer des contrats. »