La question que se pose tout le monde c’est comment les banques ont-elles accepté de recevoir tous ces millions pour le compte des policiers sans sonner l’alerte. Explications.
Les fameuses Rs 160,3 m auraient été payées à Dunraz Gungadin par chèques signés par le commissaire de police et contresignés par un autre officier. Et lorsque les chèques ont été déposés en banque, ils auraient été accompagnés d’une lettre officielle instruisant la banque de traiter le versement comme une Exempt Transaction visant à payer les informateurs en toute confidentialité.
En principe, pour de grosses sommes, le caissier de la banque recherchera l’approbation de son supérieur et s’il l’obtient, le versement ne nécessitera ni enquête ni signalement à la Financial Intelligence Unit (FIU). Ce qui est le cas d’ailleurs pour toutes les transactions gouvernementales.
Cependant, nous dit un banquier, « vu que le versement à Gungadin sort de l’ordinaire et est très différent de ceux que faisait, par exemple, la Sécurité Sociale qui tirait le chèque pour une grosse somme au nom de son employé ‘X’ tout en ajoutant ‘Pay Clerk’, la banque aurait dû se poser des questions. »
Le devoir du MLRO et de la FIU
« Toutefois, que la direction de la banque ait décrété que ces transactions soient exemptes ou pas, le Money Laundering Reporting Officer (MLRO) de la banque, qui agit indépendamment de la direction, avait le devoir de rapporter automatiquement ces transactions à la FIU dans son Suspiscious Transaction Report (STR). » Le MLRO l’a-t-il fait ? Si non, c’est grave pour lui. Si oui, il faudrait savoir ce que la FIU en a fait. L’ancienne responsable de la FIU devra éventuellement en répondre.
En revanche, lorsque Dunraz Gungadin a, à son tour, transféré Rs 76,8 m des Rs 160,3 m à Yeshdeo Seeboruth, nous dit le banquier, il n’était pas dans l’obligation de demander la permission à sa banque. « C’était à Seeboruth de dire à la banque la provenance des Rs 76,8 m. » Ici aussi, le banquier de Seeboruth, le MLRO et la FIU doivent des explications à la FCC.
En amont de tout ce beau monde, l’ex-commissaire de police devra expliquer pourquoi il a utilisé le compte bancaire de Gungadin, l’ex-ministre des Finances, pourquoi d’aussi grosses sommes ont été budgétées pour le ‘Reward Money’ et d’autres sommes déboursées en plus des montants budgétés et l’ex-Premier ministre aussi vu que la police tombe sous sa tutelle. Dira-t-il que les dotations budgétaires ont été votées en toute transparence au parlement ?
Escrow account
Au lieu d’utiliser le compte de Gungadin, pourquoi la police n’a pas utilisé un ‘escrow account ’ (compte séquestre) d’où seront puisées les sommes à être remises à chaque informateur ? s’interroge notre interlocuteur banquier. « Qu’arriverait-il si le détenteur du compte dans lequel l’argent est versé décède avant que le paiement aux informateurs ne soit effectué ? » Eh bien, il faudra attendre que les héritiers jurent un affidavit pour prétendre aux sommes leur revenant de droit et qu’ils acceptent de rendre l’argent de la police !
Et la MRA ?
Ces Rs 160,3 m ont-elles échappé à la Mauritius Revenue Authority (MRA) ? Selon notre banquier, si la FIU avait été alertée, elle aurait à son tour informé la MRA. « Et même si Gungadin n’a rien conservé de ces Rs 160,3 m, qu’en est-il des intérêts générés et qui devraient être pris en compte par la MRA ? Gungadin les a-t-il remboursés à la police ? »
