Ou comment filmer des policiers qui vous ont agressé peut mener en prison et vous faire perdre votre emploi. Surtout si vous êtes syndicaliste.
Le 13 juillet vers minuit, le syndicaliste de la Banque de Maurice (BOM) CR, était en compagnie de deux amis et voulait s’acheter des cigarettes et attendaient leur tour dans un restaurant de Mahébourg. Trois policiers y étaient également. Selon la déclaration faite par CR à l’Independent Police Complaints Commission (IPCC), à un certain moment, un des policiers demanda sur un ton brutal aux trois jeunes : « Ki zot pe fer ici ? » Choqué par le ton du policier, CR, s’adressant à son ami, demanda pourquoi le policier leur parlait ainsi.
Le policier, un certain J, en a pris la mouche et en dépit des explications fournies par les jeunes hommes – qui sont dans la trentaine et ne ressemblent pas à des mineurs – le policier J s’énerve et leur lance sur un ton péremptoire : « Alle zot la caz tout de suite », comme s’il avait affaire à des collégiens trainant dans les rues. Visiblement, il n’a pas apprécié la réponse des trois jeunes, surtout leur ton calme.
To conner ki moi ?
Et comme c’est souvent le cas avec certains policiers quand ils sont à court d’argument, J passe aux actes, car ne voulant perdre la face devant plusieurs personnes, cela après avoir averti « to conner ki sane la moi, g… ? »
CR est alors plaqué contre la voiture de police et reçoit des baffes. Un voisin intervient pour calmer le policier surexcité et CR a pu se libérer de l’étreinte des policiers. En arrivant chez lui, voyant le fourgon de la police passer, CR décide de le filmer et de capturer au moins la plaque d’immatriculation du véhicule. Cela, dit CR dans sa déposition, juste au cas où les policiers auraient des desseins inavouables.
Les policiers voyant CR les filmer, stoppent et s’avancent vers lui, tout en l’insultant. Le policier J exige que CR efface l’enregistrement. Ce dernier refuse. Il est arrêté et embarqué dans le véhicule. Direction : le poste de police de Mahébourg. Et là, les coups continuent à pleuvoir. CR appelle au secours au 148 mais personne ne viendra.
Son portable est saisi. Mais CR ne veut donner son code d’accès au portable. Profitant d’un moment de solitude – prémédité par les policiers ? – CR tente de prendre la porte pour échapper aux coups mais il est stoppé net par les policiers qui obtiennent ainsi l’excuse pour le menotter. Et le jeter en prison.
Malgré une forte migraine, une fièvre et les coups reçus, CR demeure à la station, sans manger ni boire qu’il demande en vain et sans savoir ce qui lui est reproché. On refuse aussi de l’emmener à l’hôpital, contrairement à Ashik Jagai, qui a eu droit à consulter un médecin du privé pour des … brûlures d’estomac. Le matin, CR est conduit en cellule à la station de police de Rose-Belle. Refus encore une fois de l’emmener à l’hôpital bien qu’un codétenu voyageant avec CR ait pu, lui, s’arrêter à l’hôpital de Rose-Belle pour prendre sa dose de méthadone.
Rogue and Vagabond, la charge préférée en cas de doute
CR est transporté le lendemain, menotté avec un vrai délinquant, au Weekend Court de Port Louis et libéré provisoirement. Ce n’est que le jour suivant, soit le lundi 14 juillet, que CR apprendra en cour de Mahébourg ce dont il est accusé : « Rogue and Vagabond. »
Les vrais ennuis commencent pour CR le 8 août. Après avoir été victime de brutalités policières, le voilà victime d’une accusation venant de la direction de la BOM. Et quelle est-elle ? N’avoir pas informé la direction de cet incident ‘without delay.’ Pourtant, CR l’avait fait verbalement dès le 14 juillet et en écrit le 16 juillet. Une des cadres de la BOM à qui il avait parlé le 14 juillet n’est autre que le responsable qui signera quand même la lettre du 8 août lui reprochant de n’avoir pas averti promptement la direction de l’incident ! Il faut croire que la police de Mahébourg, elle, a informé la BOM plus que promptement.
Ainsi pour ce supposé retard mis par CR pour avertir la BOM de cet incident, la victime de brutalités policières doit maintenant faire face à un comité disciplinaire qui peut « entail your dismissal » souligne la lettre.
Les collègues de CR sont convaincus que le complot ourdi par Teeven Sithanen pour se débarrasser de lui et de 3 autres employés n’est pas étranger à cette prise de position très stricte de la direction de la BOM à son encontre. A noter que CR n’a pas encore été condamné pour le délit de vagabondage ni même poursuivi. Pourtant, il risque de perdre son emploi juste parce qu’il n’a pas averti la BOM ‘without delay’ de l’incident.
Quant au retard mis par le gouverneur à convoquer la réunion du conseil d’administration de la BOM, eh bien ce n’est pas bien grave. Ni les milliards de la MIC investies à gauche et à droite et que Rama Sithanen ne semble pas pressé de récupérer.
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