Le MSM et le gouvernement se disputent sur des détails du traité sur le Chagos. Alors qu’en réalité, ils ont tous deux remis notre souveraineté aux mains des Anglais.

Il faut tout d’abord reconnaitre que c’est grâce au verdict prévisible de la Cour Internationale de Justice et par conséquent à la décision de feu Anerood Jugnauth d’y porter l’affaire que nous recevrons des milliards de la Grande-Bretagne. Cela, Navin Ramgoolam et Paul Bérenger ont été malhonnêtes de ne pas l’avouer. Et pourquoi ce procès n’a pas été entré par Navin Ramgoolam avant 2015 est la grande question.

Cependant, pour Navin Ramgoolam et Paul Bérenger, l’aspect souveraineté est plus important que l’aspect financier dans ce Deal. Or, voilà que Pravind Jugnauth accuse le gouvernement d’avoir sacrifié justement cette souveraineté au profit des Britanniques.

Ainsi, l’ex-Premier ministre affirme que dans le deal qu’il avait conclu en octobre 2024, les Anglais devraient prévenir Maurice 10 ans avant l’expiration des 99 ans de son désir ou pas de renouveler le ‘bail’. Alors que dans celui du présent gouvernement, ce délai a disparu. On ne saisit pas très bien en quoi cela ‘réduit’ notre souveraineté sur Diego Garcia.

En revanche, Pravind Jugnauth n’a point évoqué le fait que dans son deal à lui, les Anglais pouvaient seuls décider d’étendre le ‘bail’ de 40 ans supplémentaires après les 99 ans alors que sous le deal du présent gouvernement, l’accord de Maurice est requis pour l’extension.

Poteau … pour le drapeau mauricien

Plus important, selon Pravind Jugnauth, sous son deal, l’autorisation des Anglais n’était pas nécessaire pour le retour des Chagossiens sur les iles autres que Diego Garcia comme Peros Banhos ou Salomon, ni pour y lancer un projet de construction, de pêche ni même pour y planter un poteau. Alors que, dit-il, avec l’accord signé par Navin Ramgoolam, l’autorisation des Anglais et même des Américains est nécessaire à travers la Joint Commission.

Dans une très brève déclaration de 43 secondes le 29 mai, Navin Ramgoolam n’a pas répondu explicitement et clairement à Pravind Jugnauth. Au sujet de l’autorisation requise des Anglais pour que les Chagossiens puissent retourner dans les iles (autres que Diego Garcia), Ramgoolam a annoncé des démarches en ce sens. Dans une toute aussi brève déclaration, Olivier Bancoult, lui, est allé plus loin en se disant heureux que des Chagossiens puissent bientôt « retourner sur la terre où ils sont nés. » Cela, bien que la plupart des Chagossiens sont nés sur l’ile de Diego Garcia. Choisira-t-on les Chagossiens- s’il y en a – nés sur Peros Banhos et Salomon seulement ? 

A propos du désormais fameux poteau, on sait que le présent gouvernement veut y en planter un avec le pavillon mauricien. Pour rappel, le drapeau quadricolore érigé sur Peros Banhos le 14 février 2022 a été enlevé par les Britanniques quelques jours après. C’était avant que le Royaume-Uni reconnaisse la ‘souveraineté’ de Maurice sur les Chagos le 22 mai 2025.

L’Attorney General a répondu lui-aussi le 29 mai à Pravind Jugnauth, mais sans le citer, en affirmant qu’« il est incontestable que le traité signé (par Navin Ramgoolam, ndlr) a […] levé toute l’ambiguïté du Political Statement d’octobre, qui évoquait un « transfert de droits souverains » sur Diego Garcia … » Et que dit le traité signé par Navin Ramgoolam? « As sovereign, Mauritius authorises the United Kingdom to exercise the rights and authorities of Mauritius with respect to Diego Garcia in accordance with the terms of this Agreement. » Question : quelle difference ?

Premièrement, on n’en constate à priori pas sauf au niveau sémantique… Il est difficile d’ailleurs de déceler de différence car l’on n’a pas sous les yeux tout l’article du traité sur la souveraineté qui allait être signé par Pravind Jugnauth. Gavin Glover souligne du reste et avec un certain dédain que le deal de Pravind Jugnauth n’était qu’un Political Statement. Pas un traité donc.

Dialogue des sourds

Deuxièmement, les arguments ci-dessus concernent Diego Garcia, pas de tout l’archipel des Chagos. Et pourtant, c’est justement sur le terrain des autres iles (Peros Banhos, Salomon etc.) que la polémique entre le MSM et le pouvoir actuel fait rage, polémique qui ressemble plus à un dialogue des sourds. Ainsi, alors que Pravind Jugnauth parle de la nécessité, avec le traité signé par Ramgoolam, d’obtenir l’aval des Anglais et des Américains au sein de la Joint Commission avant de planter « même un poteau » sur les iles AUTRES que Diego Garcia, Gavin Glover parle de Diego Garcia.

Cependant, l’Attorney General reconnait que « … Maurice a choisi de s’engager à ce que tout développement aux Chagos tienne compte des impératifs de sécurité lié à la base militaire anglo-américaine. » Il ne l’a pas précisé mais on l’a compris : le présent gouvernement a accepté que ce soient les Anglais et les Américains qui aient le dernier mot avant que l’on puisse planter « même un poteau » dans le sable des Chagos, donnant ainsi raison à Pravind Jugnauth.

Toutefois, qui nous dit que Maurice ne pourra pas faire pencher la balance en sa faveur au sein de la Joint Commission ? Par exemple, si c’est pour planter un poteau qui ne cache pas de matériel d’espionnage, on voit mal les Anglais et les Américains s’y opposer. Et si c’est un poteau avec le drapeau mauricien ? On le saura bientôt… En tout cas, pour le MSM, le seul fait d’avoir à demander la permission aux Anglais signifie que nous n’avons pas retrouvé la souveraineté tant vantée par Ramgoolam et Bérenger sur les Chagos.

La vérité est que le MSM et le présent gouvernement se disputent sur des détails et que la souveraineté dans les deux deals est plus symbolique que réelle. On se demande par ailleurs quel ‘développement’ on pourra faire sur les étroites iles de Peros Banhos et Salomon. Quant à l’Angleterre, elle est passée du statut de squatteur à celui de locataire. Et comme chacun le sait, un locataire a des droits mais dans le cas des Chagos, le locataire a beaucoup plus de droits qu’il n’en faut. C’est un simple chauffeur de taxi port-louisien qui nous a le mieux résumé la situation : « Anglais ine paye nous pou pa vine fer le tour Chagos. »

Nous reviendrons dans un prochain article sur l’aspect financier.