Enter BET 593 – Quand la GRA met (enfin) fin au monopole de SMS Pariaz Ltd… mais en toute discrétion
Depuis le 1ᵉʳ juillet 2025, un tournant discret mais décisif s’est opéré dans le secteur des paris hippiques à Maurice. La Gambling Regulatory Authority (GRA) a accordé une nouvelle licence de paris par SMS à BET 593, mettant ainsi un terme à 18 années de monopole exclusif exercé par SMS Pariaz Ltd, société affiliée à l’incontournable Jean Michel Lee Shim.
La licence délivrée à BET 593: bookmaker operating by SMS dans la catégorie Bookmaker – Local Horse Racing (Remote Communication), marque la première brèche réelle dans un monopole consolidé depuis 2008, et qui avait résisté à toutes les tentatives d’ouverture du marché.
Mais derrière cette annonce presque anodine, se cache une manœuvre de grande envergure, avec des ramifications politiques évidentes.
Dussoye, le nouveau visage des paris… proche du pouvoir
BET 593 est dirigée et détenue à 100 % par Roshan Kumar Dussoye, un nom familier du milieu hippique et, selon plusieurs sources concordantes, très proche du Parti Travailliste. Les frères Dussoye sont loin d’être des inconnus : leur succursale à Flacq opère déjà des paris sur des cotes fixes durant les journées de courses. Par ailleurs, Shailesh Kumar Dussoye, directeur de Stevebook Ltd, détenait lui aussi une licence de bookmaker off-course jusqu’à sa révocation controversée.
Cette nomination n’est pas sans rappeler la manière dont certains proches du pouvoir accèdent soudainement à des marchés jadis verrouillés.
Un monopole né sous le Ptr, renforcé sous le MSM
SMS Pariaz Ltd avait obtenu sa licence en 2008, sous un gouvernement travailliste. Mais c’est sous les gouvernements successifs du MSM que ce monopole s’est consolidé et a été protégé activement, au détriment de toute concurrence. Et pour cause : la présence de Jean Michel Lee Shim, fondateur autoproclamé de SMS Pariaz Ltd, se présentant aujourd’hui comme simple consultant, bien que les milieux du turf reconnaissent unanimement qu’il reste l’homme qui tire les ficelles. Cette influence s’est traduite dans les décisions de la GRA, parfois en violation directe d’ordonnances judiciaires.
Une GRA aux ordres ? Des décisions favorables à SMS Pariaz
En mars dernier, la GRA annonçait avec fracas avoir ordonné à SMS Pariaz Ltd de cesser ses activités de paris sur les courses internationales et les matchs de football. Une décision très médiatisée, présentée comme une sanction ferme. Pourtant, dans les faits, SMS Pariaz n’a jamais interrompu ses opérations, contestant cette décision devant la Cour suprême — Tout comme l’avait fait Sailesh Kumar Dussoye quelques années de cela. En 2016 déjà, Stevebook Ltd et d’autres bookmakers off-course avaient vu
leurs licences non renouvelées sans explication convaincante. Shailesh Dussoye dénonçait alors une décision motivée par la volonté d’éliminer toute concurrence à SMS Pariaz Ltd, affirmant qu’elle privait l’État de Rs 100 millions de recettes en betting tax. L’affaire avait conduit le chef juge Eddy Balancy à infliger un revers cinglant à la GRA en ordonnant le renouvellement des licences. Pourtant, la GRA a tout simplement ignoré ce jugement, poursuivant sa politique de restriction.
Coup de grâce législatif : le Finance Bill 2019
L’année 2019 marque un tournant : sous l’impulsion de Renganaden Padayachy, alors ministre des Finances sous le gouvernement MSM, le Finance Bill est amendé pour supprimer toute référence aux licences pour les bookmakers off-course. Une réforme taillée sur mesure pour pérenniser l’hégémonie de SMS Pariaz Ltd, selon plusieurs analystes.
D’ailleurs, en mars dernier au Parlement, le Premier ministre lui-même, Navin Ramgoolam, dénonçait les relations incestueuses entre la GRA et certains acteurs du secteur des jeux sous les gouvernements MSM.
Une ouverture… ou un repositionnement politique ?
Avec l’arrivée de BET 593, certains y verront une ouverture du marché longtemps verrouillé. D’autres, plus cyniques, y verront un simple transfert de pouvoir économique d’un clan à un autre, dans un secteur où l’influence politique est depuis longtemps indissociable des enjeux financiers.
Une chose est sûre : cette décision de la GRA n’est pas anodine. Elle marque peut-être la fin d’un monopole, mais surtout le début d’un nouvel équilibre d’intérêts – tout aussi politique que le précédent.
