Une vaste opération de blanchiment d’argent ?
C’est le nouveau gouverneur de la Banque de Maurice (BOM) Rama Sithanen
qui l’annonçait le 7 décembre : Silver Bank a perdu Rs 8,1 milliards dans des
prêts accordés notamment à l’Indien Prateek Gupta dont l’épouse Ginny
possédait 75% des actions de la même Silver Bank. Navin Ramgoolam précisera
le 14 décembre que 60% de ces Rs 8,1 milliards, soit Rs 4,5 milliards, avaient
été prêtées à des sociétés appartenant à cet Indien. Prateek Gupta a-t-il donc
dévalisé la banque de sa propre épouse ? Non !
Premièrement, c’est l’argent déposé par l’Etat, des particuliers et des entités
mauriciens mais surtout des ‘épargnants’ étrangers. Selon nos
renseignements, il y aurait environ Rs 6 milliards déposées à la Silver Bank par
des clients étrangers, notamment de Europe de l’Est.
Un tour et puis s’en va
Deuxièmement, ces Rs 6 milliards sont soupçonnées d’être ‘retournées’ à
certains de ces déposants ou à leurs réels propriétaires via certaines sociétés
fictives se trouvant un peu partout dans le monde. Leur argent n’était venu
que faire un tour à Maurice avant de repartir.
Car ces déposants ne paraissent pas s’inquiéter que leur argent soit perdu.
Deux étrangers avaient paru l’être mais ont par la suite disparu des radars. En
revanche, ce sont des relativement petits mais véritables épargnants locaux
qui se sont manifestés. Ils ont alerté la FCC qui a démarré une enquête sur les
chapeaux de roue depuis fin mai. On apprend même que les enquêteurs, las
d’attendre les copies des documents, ont embarqué les originaux.
A noter que l’ex-directeur de la Silver Bank, Vasil Reichvilli, est un Européen de
l’Est, un Géorgien pour être plus précis. Il a pu quitter le territoire deux mois
après la mise sous ‘conservatorship’ de la banque en février 2024, cela au nez
et à la barbe d’Arvindsingh Gokhool, le Conservateur.
Silver Bank aurait-elle été utilisée comme une sorte de blanchisserie ? Il faut
savoir que les prêts non remboursés ne sont pas toujours considérés comme
de l’argent sale, nous explique Sudhir Sesungkur, ancien ministre des services
financiers et expert-comptable.
Rama Sithanen a exclu toute démarche de poursuite contre les sociétés
étrangères qui ont bénéficié de ces prêts toxiques de Rs 8,1 milliards car, a-t-il
expliqué le 7 décembre 2024, on dépensera beaucoup d’argent inutilement en
procès. On comprend mal cette décision de non-poursuite quand on sait que
plusieurs de ces sociétés à l’étranger ont vu leur compte bancaire gelé.
Pour Sudhir Sesungkur, « au minimum, la banque devrait pouvoir engager une
action en recouvrement pour récupérer l’argent des épargnants, quelle que soit
l’issue de l’affaire. L’aide des autorités compétentes des différents pays devrait
être sollicitée. L’argent ne peut pas s’être volatilisé.”
Rien n’empêche, non plus, les autorités notamment la BOM de faire une
enquête pour savoir comment ces Rs 8,1 milliards de prêts ont été octroyées.
Selon Sudhir Sesungkur, seuls les inspecteurs de la BOM ou une firme d’expert
comptable respectable pourraient le faire. Pas la FCC où il n’y a pas vraiment
ce genre de compétences. La FCC pourrait intervenir après.
Blanchiment plus détournement
Une investigation comptable est d’autant plus souhaitable qu’il n’y aurait pas
eu seulement blanchiment d’argent dans cette affaire mais aussi
détournement. Environ Rs 2 milliards ont été prêtées à des proches de l’ancien
régime. Nous y reviendrons.
Si l’Etat ne peut ou ne veut pas récupérer les millions de la NIC, de le SIFB ou
de la municipalité de Curepipe, entre autres, il a le devoir de le faire pour les
épargnants individuels mauriciens, nous dit un banquier.
L’argent de l’Etat
Répondant à une question du député Govinden Venkatasami le 6 mai au
parlement, Navin Ramgoolam a déclaré que Rs 3,55 milliards ont été déposées
à la Silver Bank et la Banyan Tree Bank par des institutions étatiques.
Cependant, il semble qu’une bonne partie de cette somme ait pu être retirée
et sauvée. On parle de seulement Rs 700 m qui restent, pour le compte de la
NIC, la SIFB, le Trésor et la Municipalité de Curepipe. C’est quand même grosse
somme.