La défense de Junaid Fakim, ex-commissaire de la FCC, telle que présentée hier 30 octobre par son avocate la Senior Counsel Urmila Boolell, peine à convaincre.
Junaid Fakim a été arrêté par la FCC sous des accusations provisoires de « Public official using his office for gratification » sous l’article 22, et « Breach of confidentiality » sous l’article 161 de la FCC Act. Il est soupçonné d’avoir transmis des informations confidentielles relatives à une enquête en cours à Maminiaina ‘Mamy’ Ravatomanga qui fait l’objet d’une accusation provisoire de blanchiment.
On ne sait pas ce que sont exactement ces informations confidentielles. On se rappelle que dans l’article de Scoop.mu du 27 octobre, nous nous demandions, à la lecture de l’affidavit de l’homme d’affaires malgache, comment ce dernier a-t-il pu être au courant du contenu de la plainte déposée à la FCC contre lui par un inconnu.
Par le biais de son avocate, Junaid Fakim reconnait avoir rencontré, entre autres, Ravatomanga. Cependant, il affirme qu’il ne savait pas qu’il allait rencontrer ce dernier. Nasser Bheeky, qui aurait organisé cette réunion, lui aurait juste dit que c’était avec un homme d’affaires.
Et là, Me Urmilla Boolell nous donne son avis : même si c’était avec Ravatomanaga, il n’y avait rien de mal puisque la réunion aurait pu concerner une tout autre affaire que celle ayant trait à la FCC. De nous rappeler que Junaid Fakim est avocat exerçant dans le privé. La rencontre aurait pu, dit-elle, être à propos d’une affaire de divorce, par exemple.
Bonjour M l’avocat, au revoir M le commissaire
La suite est plus intéressante. Selon la SC Urmilla Boolell, après avoir accepté de rencontrer Ravatomanaga vers 20 h, à un certain moment de la conversation, il est devenu clair pour Junaid Fakim que le Malgache lui parlait non comme à un avocat du privé mais à un commissaire de la FCC en l’entretenant des affaires en cours contre lui à la même FCC.
Toujours d’après Me Urmilla Boolell, Junaid Fakim s’est alors levé, est sorti et a contacté par téléphone Sanjay Dawoodharry, l’Acting Director de la FCC. Ce dernier lui a confirmé qu’il y avait effectivement une « machinerie mise en marche par la FCC contre Ravatomanga. »
Réalisant qu’il était en situation conflictuelle, Junaid Fakim aurait déclaré à Ravatomanga qu’il ne pouvait plus continuer la conversation et a quitté le lieu.
Question : si Dawoodharry n’avait pas dit à Junaid Fakim qu’il y avait une « machinerie en marche à la FCC contre Ravatomanga » ou si Dawoodharry était injoignable, Fakim aurait-il continué la conversation avec le Malgache ?
D’autres interrogations surgissent : la rencontre aurait eu lieu le 14 octobre. Or, le lendemain, la FCC obtiendra le gel des comptes bancaires de Ravatomanga, comme le dit la FCC dans son communiqué du 17 octobre. On ne sait quand la demande a été faite. Le board de la FCC et par conséquent Junaid Fakim n’étaient-ils pas au courant ? Si oui, pourquoi Fakim n’a-t-il pas quitté la rencontre dès qu’il a vu Ravatomanga en sachant pertinemment que ce dernier venait de faire l’objet d’une demande de gel de ses avoirs par la même FCC dont il est le commissaire ? Bien plus, dans ce même communiqué, la FCC parle d’une enquête initiée pour blanchiment d’argent à la suite d’une plainte déposée. L’on ignore toujours la date de cette plainte. Si elle date d’avant le 15 octobre, Junaid Fakim ne devrait-il pas en être au courant. Or, son avocate affirme qu’il ne l’était pas.
Selon nos informations non confirmées, la réunion du board allait avoir lieu le mercredi 15 et donc leurs membres n’étaient pas au courant de la demande de gel. Si l’on veut bien croire que Junaid Fakim n’était pas au courant des démarches de la FCC contre Ravatomanga, ne savait-il pas que le Malgache venait de fuir son pays et faisait l’objet de controverses notamment financières ?
Le potentiel conflit d’intérêt de Dawoodharry
Est-ce que Junaid Fakim, qui est avocat, a rapporté cette rencontre à la FCC ou à la police ? Réponse de Me Me Urmilla Boolell : « non, il ne l’a pas fait. » Et pourquoi Fakim ne l’a pas fait ? Me Boolell ne le sait pas.
Et Dawoodharry dans tout cela ? Si, comme le dit Junaid Fakim à travers son avocate, il n’a pas dit à Dawoodharry qu’il a rencontré Ravatomanga, cela dédouane le même Dawoodharry de toute responsabilité. Si jamais Fakim avait dit le contraire, il aurait entrainé Dawoodharry comme coaccusé. Non seulement Dawoodharry serait alors partie prenante de cette rencontre illégale mais il se serait rendu coupable d’une omission grave : il n’aurait pas alerté le board de cette rencontre.
Personne ne dit que Junaid Fakim a menti en disant qu’il n’a pas informé Dawoodharry de cette rencontre. D’ailleurs, en dédouanant Dawoodharry, il s’enfonce encore plus dans ce maelstrom car si jamais il avait informé au moins quelqu’un à la FCC, il aurait transféré cette responsabilité à cette autre personne tout en démontrant aussi qu’il n’approuvait pas cette rencontre avec Ravatomanga. Or, il ne l’a pas fait.
Ce point crucial démontre toutefois le potentiel conflit d’intérêts qui pourrait exister si c’est la même FCC, qui est dirigée par Dawoodharry et qui avait comme commissaire Junaid Fakim, enquête sur ce dernier.
De plus, si Junaid Fakim n’était pas au courant du dossier Ravatomanga, le fait que la FCC l’accuse provisoirement d’avoir transmis à Mamy des informations confidentielles relatives à une enquête en cours, comment l’aurait-il pu l’être sans la complicité de quelqu’un concerné de très près par le dossier Ravatomanga ? L’affidavit démontre bien qu’il y a eu fuite d’informations.
Que répondront Bheeky et les autres témoins de cette réunion ? Si Ravatomanga, Thomas, le père et le frère de Junaid Fakim corroborent ce qu’a dit ce dernier, en jetant par exemple tout sur Bheeky en l’accusant de n’avoir averti ni Ravatomanga ni Junaid de l’identité de leur interlocuteur, eh bien, il faudra attendre la version de Nasser Bheeky.
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