Dix ans après la découverte de coffres-forts contenant Rs 220 millions en espèces, le procès connaît un tournant inattendu

 

L’affaire, qui remonte à février 2015, suscite de nombreuses interrogations, notamment à la lumière des récents développements juridiques. Le bureau du Directeur des Poursuites Publiques (DPP) a récemment insisté pour que cette affaire, en suspens depuis une décennie, soit jugée dans les plus brefs délais.

Lors de l’appel du procès le 3 septembre 2025, le DPP a confirmé avoir recommandé une accélération de la procédure et demandé qu’une date d’audience soit fixée rapidement. Pour appuyer sa requête, il s’est référé à un précédent juridique marquant : Boolell contre l’État [2006 UKPC 46], dans lequel le Conseil privé avait statué qu’un tribunal ne peut rester passif face à des tentatives délibérées de retarder un procès.

Le DPP estime qu’un ajournement jusqu’en novembre prolongerait inutilement la procédure et nuirait à l’administration de la justice. Ainsi, l’audience a été avancée au 23 octobre 2025, au lieu du 6 novembre. Lors de cette prochaine séance, la motion déposée par les avocats de Ramgoolam pour obtenir l’accès à tous les documents sera débattue, malgré l’opposition du DPP.

Retour à Riverwalk : février 2015

Concernant le fond de l’affaire, on se souvient qu’après son arrestation en février 2015 par le CCID après la découverte de Rs 220 m dans ses coffres-forts à Riverwalk, Navin Ramgoolam a été poursuivi provisoirement sous 11 chefs d’accusation, incluant les affaires Roches-Noires, Betamax et l’emprunt de la Bramer Bank, toutes examinées devant la Cour de district de Curepipe.

Entre 2015 et 2017, ces charges provisoires sont abandonnées l’une après l’autre, à l’exception de celle concernant les Rs 220 millions. Et le 3 février 2017, le CCID transmet le dossier au DPP, dirigé alors par Satyajit Boolell, qui demande une enquête approfondie. Le dossier final lui est transmis le 12 octobre 2017.

Le 20 octobre 2017, des poursuites formelles sont engagées par le DPP devant la Cour intermédiaire, accusant Ramgoolam d’avoir accepté des paiements en espèces dépassant Rs 500 000, cela, en violation de l’article 5 de la FIAMLA. Le dossier concerne 23 liasses de billets de banque, six de Rs 1 million et 17 de USD 100 000.

Annulation, appel et nouvelles accusations

En novembre 2019, les magistrats Pranay Sewpal et Navina Parsuramen annulent les accusations provisoires, les jugeant vagues car les dates précises des réceptions d’argent n’ont pas été citées. A noter que Ramgoolam a toujours refusé de déclarer l’origine de cet argent et par conséquent les dates également …

Le DPP fait appel en 18 points. En 2022, la Cour suprême donne raison au DPP et ordonne que l’affaire soit rejugée devant un autre banc de la Cour intermédiaire. Son avocat, Me Gavin Glover, conteste la décision, mais la Cour suprême rejette sa demande en juillet 2023. Il n’obtient pas non plus l’autorisation de saisir le Conseil privé, qui oppose son refus à son tour d’entendre l’affaire, ouvrant la voie à un nouveau procès devant la Financial Crimes Division (FCD.)

Les amendements du MSM à la FCC Act

Entre-temps, la FCC Act entre en vigueur le 29 mars 2024. L’article 8 (2) de la FIAMLA qui allait permettre à la cour de confisquer presqu’automatiquement l’argent des coffres en cas de condamnation de Ramgoolam ne sera plus applicable. Car désormais c’est la FCC qui est la seule instance qui peut initier une procédure de confiscation devant la Cour suprême via un Criminal Attachment Order ou un Criminal Confiscation Order en vertu de la nouvelle FCC Act. Cela, sans disposition transitoire, ce qui permet à l’affaire Coffres-Forts de tomber sous la nouvelle loi. 

Et c’est ainsi qu’en janvier 2025, les avocats de Ramgoolam déposent une motion pour retirer l’article 8 de la FIAMLA des chefs d’accusation. Lors de l’audience d’avril, le DPP n’a pu s’y opposer vu le changement de la loi.

Conséquences pour Ramgoolam

Par conséquent, même si Ramgoolam est reconnu coupable de paiements excédentaires, il n’y aura pas de confiscation automatique de l’argent. Ce sera à la seule FCC d’en décider. Si la FCC ne demande pas la confiscation, Ramgoolam pourrait récupérer l’intégralité des fonds, bien que leur origine demeure floue. Le PM pourrait s’en sortir avec une amende. Car l’article 77 de la FCC Act prévoit que « Where a person is convicted of an offence, the Commission (la FCC, ndlr) MAY apply to the Court for a Confiscation Order. »

Une situation paradoxale

Après que les tentatives précédentes de saisie via l’Integrity Reporting Services Agency ont été rejetées par la Cour suprême, Ramgoolam ‘bénéficie’ maintenant d’une loi votée ironiquement par le MSM qui voulait s’assurer probablement que l’argent soit saisi par décision de la FCC de Navin Bheekarry.

La question cruciale demeure : en cas de condamnation de Ramgoolam, la FCC de Dawoodharry demandera-t-elle la confiscation, ou laissera-t-elle Ramgoolam récupérer ses fonds, que ce dernier prouve que ces fonds sont d’origine légitime ou non, dix ans après leur découverte ?

Certains s’interrogent encore sur le choix du nouveau gouvernement de rétablir les pouvoirs du DPP mais pas celui de la Cour pour confisquer les biens.

Et si cette somme avait été retrouvée chez un simple citoyen ?…

 

 

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