Il faut dire que les preuves sont accablantes contre l’ACP Dhunraz Gungadin dans l’affaire des récompenses de Rs 160,3 m qui sont passées par son compte bancaire. On se demande comment il les justifiera. Prétendra-t-il que l’argent a servi à payer des informateurs pour les saisies de drogue ?
Comment expliquera-t-il que Rs 76,8 millions de ces Rs 160,3 m ont été versées au compte du sergent Yeshdeo Seeboruth ? Ce dernier était-il un informateur ? Si non, pourquoi l’argent a-t-il transité d’abord sur le compte de Gungadin et ensuite sur celui de Seeboruth ? Y a-t-il eu d’autres ‘transits’ ? Ce genre de passe-passe ressemble étrangement à une tentative de brouiller les pistes. Et que dire des banques qui auront permis ces gros retraits et paiements ?
La Banque de Maurice était-elle intervenue auprès de ces banques pour leur dire de fermer les yeux ? Et la FIU de l’époque, avait-elle été mise au courant de ces ‘suspicious transactions’ ? Gageons que d’autres personnalités défileront bientôt au Réduit Triangle.
Chut, secret défense ?
Dhunraz Gungadin se prévaudra sans doute de l’Official Secrets Act pour ne pas révéler la destination finale de ces sommes. Cependant, rien ne l’empêche de donner à la FCC les dates auxquelles les saisies de drogues ont été effectuées ainsi que les lieux, les quantités, les valeurs marchandes, la nature des drogues saisies et bien sûr les noms des agents de police qui ont participé aux saisies. Aussi, ce n’est pas enfreindre l’Official Secrets Act ni mettre les informateurs en danger que de livrer le nom des personnes arrêtées lors des saisies. Et en l’absence d’arrestation, il devrait dire à la FCC par quelle autorité ces paiements de récompense ont été effectués. On ne sait pas si, durant ces 7 heures d’interrogatoire par la FCC, Dhunraz Gungadin a déjà donné ces détails ou s’il a choisi de garder un silence total.
Selon Ramgoolam, c’est l’ex-commissaire de police Anil Kumar Dip qui avait amendé les Standing Orders pour que les récompenses soient payées avant que l’affaire ne soit portée en justice. Il semble aussi qu’en l’absence d’arrestation, la récompense est payée après approbation du commissaire.
L’étau se resserre maintenant autour d’Anil Kumar Dip, dont la convocation ne serait plus qu’une question de jours. Que Gungadin parle ou non, Dip, lui, devra être en mesure d’expliquer à la FCC pourquoi il a approuvé ces récompenses et surtout pourquoi elles ont été versées au compte de l’ACP déguisé maintenant en Petit Chaperon rouge, selon Anju Ramgulam.
Au sortir de la cour le 25 juillet, Bruneau Laurette a demandé à haute voix à Gungadin s’il a reçu de récompense pour les « plantings » dont lui et d’autres ont été victimes. Tout en lui rappelant que la drogue utilisée provenait d’un… narcotrafiquant réputé : Franklin !
Encadré
Volte-face, dites-vous ?
C’est l’CAP Gungadin, alors Surintendant, qui avait en juin 2023 déterré la hache de guerre contre le DPP après que ce dernier n’avait pas objecté à la remise en liberté de l’avocat Akil Bissessur, de son frère et de sa compagne. Gungadin avait fait un vrai cinéma ce jour-là au tribunal de Mahébourg. Il avait voulu faire une déclaration impromptue alors que la magistrate avait déjà levé la séance et autorisé la libération des accusés.
Au retour de la magistrate, Gungadin avait lancé, sûr de lui : « Ce n’est pas la position de la police. Nous objectons à cette remise en liberté conditionnelle. C’est une volte-face de la part du bureau du DPP. » Les représentants du bureau du DPP et de la défense en étaient abasourdis et ont protesté. La magistrate a beau expliquer à Gungadin que la police agit sous le bureau du DPP et que celui-ci venait de se prononcer. Rien n’y fait. Gungadin a même haussé le ton et s’est écrié : « La police n’est pas d’accord. Je suis le représentant du commissaire de police… » Et d’expliquer que le commissaire Dip lui avait demandé de le représenter en cour et que si le bureau du DPP allait à l’encontre des instructions de la police, la police devrait objecter.
C’était le début de la crise institutionnelle opposant la police au DPP et qui allait coûter des millions à l’État, notamment pour payer les services de ténors britanniques. Tout cela pour rien. Car cette bataille légale sera stoppée après le changement de gouvernement.
Encadré
Tous promus !
Dhunraz Gungadin était Surintendant de Police quand il dirigeait la SST qui avaient arrêté plusieurs opposants politiques l’un après l’autre en 2022 et 2023. Et en décembre 2023, il allait être ‘récompensé’ en étant promu Assistant Commissionner of Police. Son fidèle second, Ashik Jagai, obtiendra en même temps une promotion et deviendra surintendant de police. Ainsi que le chef d’alors de la Counter Terrorism Unit, Lilram Deal, qui deviendra Assistant Commissionner of Police. Autre promo : celle de Rajkrishna Rajaram. Le point commun : ils étaient tous plus ou moins concernés par les affaires alléguées de planting.
