Ils n’ont pas eu besoin d’organiser des manifs ni de meetings. Les riches et les promoteurs immobiliers ont pu faire plier le gouvernement sur certaines mesures budgétaires qui avaient pourtant déclenché des ‘tap latab’ assourdissants lors du discours du budget du 5 juin.
La première capitulation a eu lieu le lendemain du discours. Les 10% d’impôt additionnel sur les individus gagnant entre 12 et 24 m annuellement et les 20% sur ceux gagnant plus de Rs 24 m avaient disparu. Il ne restait que les 5% imposés sur les entreprises générant un chiffre d’affaires de Rs 24 m annuellement.
La deuxième abdication s’est produite un mois après et annoncée à travers le communiqué du conseil des ministres du 11/7. Ainsi, le gouvernement a décidé que « the Fair Share Contribution on High-Income Earners and on Corporates has been adjusted and clarified taking into account the need for our jurisdiction to attract foreign investments and talents. »
On ne comprend pas pourquoi il parle des High-Income Earners qui avaient déjà vu l’impôt de 10% et 20% supprimé le 6 juin. Ces impôts ont-ils reparu après la dénonciation de Pravind Jugnauth ? Il faudra attendre le Finance Bill pour le savoir. Ce qui est sûr c’est que si jamais ces 10% et 20% ont été réintroduits, ils seront réduits ou alors toucheront moins de personnes. Déjà, le budget annonçait que ces mesures ne seront applicables que pour 3 ans. Concernant les 5% de taxe sur les entreprises et qui ont subsisté, eh bien, ils seront manifestement adoucis. Pourtant, au para 277 du budget, ces fair-share contributions étaient jugées nécessaires pour éviter le “downgrading of our sovereign rating which could be catastrophic to our economy…” Cet argument est utilisé pour le BRP.
Moratoires renouvelables ?
La troisième reculade a été annoncée dans le même communiqué du 11/7 mais sans doute décidée un peu avant lors d’une réunion chez l’EDB : « some grandfathering and moratorium will be provided for more certainty to the property market .» Cela semble concerner la fameuse abolition des exemptions d’entre autres, la Land Conversion Tax et de la Land Transfer Tax dont bénéficiaient les promoteurs de Smart Cities. Un moratoire est maintenant prévu on ne sait pour combien de temps.
Carina Gounden de l’ONG mru2025/Aret Kokin Nu Laplaz nous partage sa déception : « Le dernier Budget avait suscité une lueur d’espoir pour nous, en affichant une volonté politique de reprendre une certaine maîtrise du foncier. Même en l’absence de mesures marquantes pour la protection de l’environnement, cette orientation offrait l’opportunité d’une réflexion de fond sur l’usage de nos terres et, par conséquent, sur la manière dont nous façonnons notre environnement à Maurice.
« Des signaux clairs étaient donnés pour freiner la frénésie autour de l’immobilier de luxe, les spéculations foncières effrénées, et les projets qui bétonnent chaque coin encore vivant de notre île. Le discours budgétaire se voulait ferme : les avantages fiscaux octroyés aux promoteurs de Smart Cities allaient être supprimés. Une volonté affichée de ralentir le « vann pei ar etranze », de rétablir un semblant de justice sociale et territoriale, et de replacer l’intérêt général au-dessus des logiques de profit pour une petite poignée disposant du foncier comme bon leur semble. »
Le ‘grandfathering’ permet, lui, de faire bénéficier ceux qui avaient déjà commencé un projet de Smart City. Et c’est là le hic. Les exemptions seraient-elles accordées à un projet qui a déjà reçu le certificat de l’EDB ? N’y a-t-il pas risque d’antidater ces certificats d’autant que l’on sait que l’EDB n’est pas une institution gouvernementale ? A noter que le budget annonçait déjà une période transitoire pour les projets dont la construction a démarré.
Ruée vers l’or
Carina Gounden est inquiète : À quoi allons-nous assister ? Ce n’est ni une pause, ni un encadrement. C’est un feu vert temporaire pour bétonner à grande vitesse, sous prétexte de garantir une “stabilité” aux investisseurs. Une ruée vers les permis, une accélération des changements d’usage des terres agricoles, une précipitation pour bétonner avant une date fatidique. Et ce, dans un contexte où les capacités de contrôle, de suivi, et d’évaluation sont déjà largement insuffisantes.
« Parler de land repurposing pour la sécurité alimentaire, tout en laissant s’envoler des hectares de terres agricoles sous les bulldozers, relève d’une contradiction criante.
« Qu’ils viennent maintenant nous expliquer ce qui se cache réellement derrière ce « moratoire » et ce « grandfathering » annoncés. Car si ce n’est pas une capitulation devant la poigne du gros capital, alors qu’est-ce que c’est ? »
L’euphorie créée donc après l’annonce (au para 269) de promouvoir la sécurité alimentaire et de permettre l’égalité des opportunités n’aura donc duré qu’un mois.
Ces annonces ont curieusement été précédées dans le communiqué d’un rappel de la décision du gouvernement d’accorder l’Income Support de Rs 10 000 aux plus démunis. Est-ce une façon de faire comprendre que le gouvernement doit maintenant s’occuper des super riches ?
