L’entreprise d’élevage de singes se retrouve au cœur d’un scandale environnemental et sanitaire après les révélations d’un ancien employé. Bioculture a riposté en déposant une plainte contre le ‘lanceur d’alerte.’
Dès son embauche par Bioculture, le lanceur d’alerte explique avoir remarqué que la fosse d’absorption (“absorption pit”) était déjà saturée. À plusieurs reprises, et ce pendant 4 ans, de grandes opérations de vidange ont eu lieu, selon lui, et les eaux usées, constituées d’excréments de singes, rejetées dans la nature. « Zot station pa ti pé kapav traite tou sa delo waste water la par jour », affirme-t-il. De plus, dit-il, l’eau rejetée contenait des produits chimiques désinfectants, dont de l’eau de Javel en grande quantité, ce qui nuit encore plus à l’environnement.
Il faut savoir que Bioculture a récemment agrandi ses opérations avec maintenant une population de … 30 000 macaques en cages. Il existe d’ailleurs une confusion au sujet du certificat d’Environmental Impact Assessment…
Poissons, oiseaux et chien victimes
D’après le récit de l’ex-employé, un chien errant ayant bu cette eau sale serait tombé gravement malade et a dû être euthanasié et son cadavre incinéré sur place. Toute vie aquatique dans la rivière voisine, dit-il, a été décimée. Des photos d’oiseaux morts nous ont été envoyées. Pendant plusieurs mois, l’eau usée, dégageant une odeur nauséabonde, aurait été déversée sans passer par les bassins de filtration.
Les employés de Bioculture, ainsi que ceux d’une entreprise voisine, auraient développé des éruptions cutanées étranges, attribuées à l’exposition répétée à l’eau contaminée, affirme le lanceur d’alerte. Pour camoufler les problèmes, de grandes quantités d’eau de Javel ont été déversées dans les bassins avant les visites de l’agence d’accréditation LIBA, ajoute-t-il.
Le dénonciateur affirme avoir alerté plusieurs fois le manager de Bioculture sur la nécessité de remplacer le système de “rotary servicing”. Celui-ci lui aurait répondu que le budget consacré aux eaux usées ne le permettait pas. Une autre fois, on lui aurait conseillé de « purge sludge directement dans la rivière sinon sa pou endommage système filtration. » Le recours aux camions spécialisés a été limité pour des raisons financières.
La mer aussi
Une rivière souterraine se jetant en mer aurait aussi été contaminée, et une partie de la rivière bétonnée pour faciliter le nettoyage, selon le lanceur d’alerte. Des opérations de vidange nocturne auraient été organisées pour éviter d’attirer l’attention. Finalement, notre informateur a démissionné, sans demander compensation. Il lance un appel urgent aux autorités concernées notamment le ministère de l’Environnement.
De son côté, l’ONG Monkey Massacre in Mauritius a adressé une lettre ouverte au ministre de l’environnement Rajesh Bhagwan et à la Junior Minister Joanna Bérenger ainsi qu’à d’autres hauts responsables. Dans ce document, elle dénonce le déversement illégal d’eaux usées dans des terres agricoles et des cours d’eau, des niveaux de boues supérieurs aux normes sur les sites concernés tout au long de l’année. Elle pointe également du doigt « les opérations de nettoyage cosmétiques avant les inspections officielles (dont celles de l’AAALAC) pour masquer l’état réel du site. »
Cependant, l’enjeu dépasserait l’environnement : la lettre de ‘Monkey Massacre in Mauritius’ alerte sur un risque sanitaire sérieux et rappelle qu’en 2023, une épidémie de tuberculose a été signalée chez les singes, une maladie transmissible à l’homme. L’ONG évoque aussi d’autres maladies zoonotiques potentielles, comme l’herpès B, l’Ebola, le Marburg ou encore la fièvre jaune.
La lettre est accompagnée de preuves matérielles : le témoignage du lanceur d’alerte, captures d’écran de conversations WhatsApp, photos, vidéos et relevées de boues couvrant la période de janvier 2024 à janvier 2025.
Contacté, le ministère de l’Environnement a indiqué que les informations évoquant des problèmes sur le site de Bioculture avaient bien été portées à sa connaissance et qu’une descente a été effectuée le 4 juin dernier, au cours de laquelle aucune anomalie majeure n’a été constatée. Or, c’est justement ce qui est reproché à Bioculture : des nettoyages cosmétiques avant l’arrivée des inspecteurs.
De son côté, un représentant de la direction de Bioculture nous a juste référés au communiqué émis le 28 avril (Voir document), refusant de répondre à nos questions. Tout en affirmant que le lanceur d’alerte aurait fait ces dénonciations pour des raisons personnelles et non par souci pour l’environnement et pour les animaux.

